Déclaration des
représentants de
l'Église Orthodoxe à la
conférence d'étude nord-américaine
Foi et Constitution,
Oberlin, Ohio, 3-10
septembre 1957.
(1)
En tant que délégués à
la conférence d'étude
nord-américaine "Foi et
Constitution", nous
voulons exprimer les
points suivants.
Nous sommes contents de
prendre part à une
conférence-débat
concernant un besoin
aussi basique que
l'unité pour le monde
Chrétien. Tous les
Chrétiens devraient
rechercher l'Unité. D'un
autre côté, nous sentons
que tout le programme
des discussions à venir
a été cadré d'un point
de vue qu'en toute
conscience, nous ne
pouvons admettre. "L'unité
que nous recherchons"
est pour nous une Unité
donnée qui n'a jamais
été perdue, et, en tant
que don de Dieu et une
marque essentielle de
l'existence Chrétienne,
n'aurait pas pu avoir
été perdue. Cette unité
dans l'Église du Christ
est pour nous une Unité
au sein de l'Église
Historique, dans la
plénitude de la Foi,
dans la plénitude de la
vie sacramentelle
ininterrompue. Pour
nous, cette Unité est
incarnée dans l'Église
Orthodoxe, qui a
conservé, katholikos et
anelleipos, à la fois
l'intégrité de la Foi
Apostolique et
l'intégrité de la
Succession Apostolique.
Notre participation dans
l'étude de l'Unité
Chrétienne est résolue
par notre ferme
conviction que cette
Unité ne peut être
trouvée que dans la
communion de l'Église
Historique, préservant
la plénitude de la
tradition catholique
(2), tant dans la
doctrine que dans la
succession apostolique.
Nous ne pouvons nous
engager dans la moindre
discussion au sujet de
ces points de base,
comme si elles n'étaient
qu'hypothèses ou
problématiques. Nous
commençons ici avec une
conception claire de
l'Unité de l'Église, que
nous croyons avoir été
incarnée et réalisée
dans l'histoire multi-séculaire
de l'Église Orthodoxe,
sans le moindre
changement ou la moindre
interruption depuis les
temps où l'Unité visible
de la Chrétienté était
un fait évident et était
attestée et démontrée
par une unanimité
oecuménique, à l'époque
des Conciles
Oecuméniques.
Nous admettons, bien
entendu, que l'Unité de
la Chrétienté a été
bouleversée, que l'unité
de Foi et l'intégrité
des ordres apostoliques
ont été fortement brisés.
Mais nous n'admettons
pas que l'Unité de
l'Église, et plus
précisément de l'Église
"visible" et historique,
ait jamais été brisée ou
perdue, de sorte que ce
serait à présent un
problème de recherche et
de découverte. Dès lors,
le problème de l'Unité
est pour nous le
problème du retour à la
plénitude de la Foi et
de l'Ordre apostolique,
dans la totale fidélité
au message des saintes
Écritures et de la
Tradition et en
obéissance à la volonté
de Dieu : "Que tous
soient unis."
Bien longtemps avant la
rupture de l'unité de la
Chrétienté Occidentale,
l'Église Orthodoxe avait
un sens aigu de
l'importance essentielle
de l'unité des croyants
Chrétiens, et dès son
début (3) elle a déploré
les divisions au sein du
monde Chrétien. Que ce
soit actuellement ou
dans le passé, elle se
lamente sur la désunion
parmi ceux qui affirment
être disciples de Jésus-Christ,
dont le but dans le
monde était d'unir tous
les croyants en un seul
Corps. L'Église
Orthodoxe estime que, du
fait qu'elle n'a pas été
mêlée à la rupture de
l'unité religieuse en
Occident, elle porte la
responsabilité
particulière de
contribuer à la
restauration de l'unité
Chrétienne qui seule
peut rendre effectif le
message de l'Évangile
dans un monde perturbé
par les menaces de
conflits mondiaux et une
incertitude généralisée
à propos de son avenir.
C'est avec humilité que
nous exprimons
clairement la conviction
que l'Église Orthodoxe
peut apporter une
contribution spéciale à
la cause de l'unité
Chrétienne, parce que
depuis la Pentecôte,
elle a possédé la
véritable unité voulue
par le Christ (3). C'est
avec cette conviction
que l'Église Orthodoxe
est toujours prête à
rencontrer des Chrétiens
d'autres communions dans
des réflexions inter-confessionnelles.
Elle se réjouit du fait
qu'elle est à même de se
joindre à celles parmi
les autres confessions
dans des conversations
oecuméniques qui tendent
à faire tomber les
barrières vers l'unité
Chrétienne. Cependant,
en toute honnêteté, en
tant que représentants
de l'Église Orthodoxe
nous nous sentons
obligés de confesser que
nous devons préciser
notre participation,
comme c'est rendu
nécessaire par la Foi
historique et la
pratique de notre Église,
et aussi d'exprimer la
position générale qui
doit être adoptée dans
cette conférence
interconfessionnelle.
En considérant de prime
abord "la nature de
l'unité que nous
recherchons", nous
souhaitons commencer par
établir clairement que
notre approche diverge
de ce qui est
habituellement
recommandé et
généralement attendu de
la part de représentants
participants. L'Église
Orthodoxe enseigne que
l'unité de l'Église n'a
jamais été perdue, parce
qu'elle est le Corps du
Christ, et que dès lors,
ne saurait être divisée.
C'est le Christ Qui est
à sa tête, et
l'inhabitation du Saint
Esprit qui garanti
l'unité de l'Église à
travers les siècles.
La présence
d'imperfections humaines
parmi ses membres est
impuissante à effacer
l'unité, car le Christ
Lui-même a promis que
"les portes de l'Hadès
ne prévaudraient pas
contre l'Église." Satan
a toujours semé de
l'ivraie dans le champs
du Seigneur, et les
forces de désunion ont
souvent été menaçantes,
mais en réalité, elles
n'ont jamais réussi à
diviser l'Église. Aucune
puissance ne pourrait
être plus forte que la
volonté omnipotente du
Christ, Qui a fondé une
Église uniquement pour
amener les hommes à
l'unité avec Dieu.
L'unité est une marque
essentielle de l'Église.
S'il est vrai que le
Christ a fondé l'Église
comme un moyen d'unifier
les hommes divisés par
le péché, alors il doit
naturellement s'ensuivre
que l'unité de l'Église
a été préservée par Sa
divine omnipotence.
L'unité n'est dès lors
pas seulement une
promesse, ou une
potentialité, mais elle
appartient à la nature
même de l'Église. Ce
n'est pas quelque chose
qui a été perdu et qui
devrait être retrouvé,
mais plutôt c'est la
caractéristique
permanente de la
structure de l'Église.
L'amour Chrétien
nous pousse à parler
avec franchise de notre
conviction que l'Église
Orthodoxe n'a pas perdu
l'unité de l'Église
voulue par le Christ,
car elle représente
l'unité qui, dans la
chrétienté occidentale,
n'a été qu'une
potentialité. L'Église
Orthodoxe enseigne
qu'elle n'a nul besoin
de chercher après une
quelconque "unité perdue",
puisque sa conscience
historique dicte que
c'est elle qui est
l'Unam Sanctam et que
tous les groupes
chrétiens hors de
l'Église Orthodoxe ne
peuvent retrouver leur
unité qu'en entrant dans
le sein de cette Église
qui a préservé son
identité avec le
Christianisme antique.
Ce ne sont pas des
affirmations qui
proviendraient d'une
audace, mais d'une
conscience historique
interne de l'Église
Orthodoxe. En effet, tel
est le message spécial
de l'Orthodoxie
Orientale à la
chrétienté occidentale
divisée.
Fidèle à sa conscience
historique, l'Église
Orthodoxe déclare
qu'elle a maintenu une
continuité ininterrompue
avec l'Église de la
Pentecôte, en préservant
la Foi et l'Ordre
Apostolique inaltérés.
Elle a gardé "la Foi
transmise une fois pour
toute aux saints" libre
de toute déformation due
à des innovations
humaines. Les doctrines
inventées par des hommes
n'ont jamais réussi à
s'imposer dans l'Église
Orthodoxe, puisqu'elle
n'a aucune association
nécessaire dans
l'Histoire avec le nom
d'un seul Père ou
théologien (4). Elle
possède la plénitude et
la garantie de l'unité
et de l'infaillibilité
par l'opération du Saint
Esprit et non par le
ministère d'une personne
seule. C'est pour cette
raison qu'elle n'a
jamais senti le besoin
envers ce qui est connu
comme "un retour à la
pureté de la foi
apostolique." Elle
maintien la nécessaire
balance entre la liberté
et l'autorité, et évite
dès lors les extrêmes de
l'absolutisme et de
l'individualisme, qui
tous deux ont fait
violence à l'unité
Chrétienne.
Nous réaffirmons ce qui
a été déclaré à Evanston
(5) et ce qui a été
déclaré dans le passé au
cours de toutes les
conférences
interconfessionnelles
auxquelles des délégués
de l'Église Orthodoxe
ont participé. Ce n'est
en rien dû à notre
mérite personnel, mais
c'est à la divine
condescendance que nous
devons de représenter
l'Église Orthodoxe et
sommes à même d'exprimer
ses affirmations. En
conscience, nous sommes
tenus à déclarer
explicitement ce qui est
logiquement suggéré; à
savoir que tous les
autres corps [chrétiens]
ont été directement ou
indirectement séparés de
l'Église Orthodoxe. D'un
point de vue Orthodoxe,
l'unité signifie le
retour des entités
séparées à l'Église
Orthodoxe historique,
l'Église Une, Sainte,
Catholique et
Apostolique.
L'unité que l'Orthodoxie
représente repose sur
l'identité de Foi,
d'ordre hiérarchique et
de culte. Tous trois,
ces aspects de la vie de
l'Église sont
extérieurement préservés
par la réalité de la
succession ininterrompue
d'évêques qui est
l'assurance de la
continuité ininterrompue
de l'Église avec les
origines apostoliques.
Cela signifie que la
plénitude non-compromise
de l'Église requiert la
préservation tant de sa
structure épiscopale que
de sa vie sacramentelle.
Respectant avec ténacité
son héritage Apostolique,
l'Église Orthodoxe
maintien qu'aucune unité
réelle n'est possible là
où
l'épiscopat et les
sacrements sont absents,
et s'afflige du fait que
ces 2 institutions ont
été soit abandonnées
soit dénaturées dans
certaines parties de la
chrétienté. Tout accord
sur la Foi doit reposer
sur l'autorité des
déclarations des 7
Conciles Oecuméniques
qui représentent
l'esprit de l'Église
indivise de l'antiquité
et la tradition
subséquente telle que
préservée dans la vie de
l'Église Orthodoxe.
Nous regrettons que le
problème si capital du
Ministère ordonné et
celui de la Succession
Apostolique, sans
lesquels selon notre
point de vue il n'y a ni
unité ni église, n'ont
pas été prévu au
programme de la
Conférence. Tous les
problèmes de ministère
ordonné semblent manquer
au programme. Ceux-là
sont, selon notre
opinion, des points
basiques pour toute
étude de l'Unité.
L'unité visible exprimée
dans l'union
organisationnelle ne
détruit pas la
centralité de l'esprit
entre les fidèles, mais
au contraire atteste de
la réalité de l'unité de
l'Esprit. Là où il y a
plénitude de l'Esprit,
là aussi il y aura la
concorde externe. Depuis
les temps apostoliques,
l'unité des fidèles
Chrétiens a été
manifestée par une
structure visible,
organisée. C'est l'unité
dans le Saint Esprit qui
est exprimée dans une
organisation unifiée
visible.
La Sainte Eucharistie,
en tant qu'acte suprême
du culte, est
l'affirmation
extériorisée de la
relation interne
jaillissant de l'unité
dans le Saint Esprit.
Mais cette unité
implique un consensus de
Foi parmi ceux qui
participent.
L'intercommunion est dès
lors possible uniquement
lorsqu'existe l'accord
sur la Foi. Dans tous
les cas, le culte commun
[concélébration]
doit présupposer une Foi
commune. L'Église
Orthodoxe maintien que
le culte de quelque
nature que ce soit ne
saurait être sincère à
moins qu'il n'y ait
unité de Foi parmi ceux
qui y participent. C'est
suite à cette conviction
que les Orthodoxes
hésitent à se joindre à
des offices de prière
commune et s'abstiennent
strictement d'assister à
des offices de Communion
interconfessionnels
Une Foi commune et un
culte commun sont
inséparables dans la
continuité historique de
l'Église Orthodoxe.
Cependant, dans
l'isolation, aucun des
deux ne saurait être
préservé intégral et
intact. Tous deux
doivent être gardés dans
une relation organique
et interne l'un avec
l'autre. C'est pour
cette raison que l'unité
Chrétienne ne saurait
être réalisée simplement
en déterminant quels
articles de foi ou quel
Credo devrait être
considéré comme
constituant la base
d'unité. En plus de
souscrire à certaines
doctrines de Foi, il est
nécessaire de réaliser
l'expérience d'une
tradition commune ou du
"communis sensus
fidelium" préservés par
le culte commun dans le
cadre historique de
l'Église Orthodoxe. Il
ne saurait y avoir de
vraie unanimité de Foi à
moins que la Foi ne
demeure au sein de la
vie et de la tradition
sacrée de l'Église, qui
est identique à travers
les siècles. C'est dans
l'expérience liturgique
que nous affirmons la
véritable Foi, et
inversement, c'est dans
la reconnaissance d'une
Foi commune que nous
assurons la réalité du
culte en esprit et en
vérité.
Dès lors l'Église
Orthodoxe en chaque
localité insiste sur
l'accord de Foi et de
culte avant qu'elle
n'envisage de partager
la moindre activité
interconfessionnelle.
Les différences
doctrinales constituent
un obstacle sur le
chemin d'une
participation sans
restriction à de telles
activités. Afin de
protéger la pureté de la
Foi et l'intégrité de la
vie liturgique et
spirituelle de l'Église
Orthodoxe, l'abstention
de participation aux
activités
interconfessionnelles
est encouragée au niveau
local. Il n'existe pas
un seul aspect de la vie
de l'Église qui ne soit
lié à sa Foi.
L'intercommunion avec
une autre église doit
être ancré dans un
consensus de Foi et une
compréhension commune de
la vie sacramentelle. En
particulier, la sainte
Eucharistie doit être la
démonstration liturgique
de l'unité de Foi.
Nous sommes pleinement
conscients des profondes
divergences qui séparent
les confessions
chrétiennes les unes des
autres, dans tous les
domaines de la vie et de
l'existence chrétienne,
dans la compréhension de
la foi, dans la manière
de vie, dans les
habitudes cultuelles. En
conséquence, nous
cherchons une unanimité
de Foi, une identité
d'ordres ministériels,
une fraternité dans la
prière. Mais pour nous,
ces trois points sont
organiquement liés les
uns aux autres. La
communion dans le culte
liturgique n'est
possible que dans
l'unité de la Foi. La
Communion présuppose
l'Unité. Dès lors, le
terme "intercommunion"
nous semble être
l'épitomé de cette
conception que nous
sommes forcés de rejeter.
Une "intercommunion"
présuppose l'existence
de plusieurs confessions
séparées et divisées,
qui se regroupent
occasionnellement pour
mener certains actes ou
actions en commun. Dans
la véritable Unité de
l'Église du Christ, il
n'y a pas de place pour
plusieurs "confessions."
Il n'y a dès lors pas de
place pour une
"intercommunion." Quand
tous seront unis en
vérité dans la Foi et
l'Ordre Apostolique, il
y aura une Communion et
une Fraternité totale en
toutes choses.
Déjà en 1937, à
Edimbourg (6), les
délégués Orthodoxes
avaient déclaré que
nombre de problèmes
étaient exposés dans le
cadre des Conférences "Foi
et Constitution" d'une
manière et d'une
position qui étaient
extrêmement peu
sympathiques pour les
Orthodoxes (7). Nous
sommes obligés de
répéter cela ici aussi.
Mais à nouveau, comme il
y a quelques années à
Edimbourg, nous voulons
témoigner de notre
préparation et de notre
volonté à participer à
cette étude, afin que la
Vérité de l'Évangile et
la plénitude de la
Tradition Apostolique
puissent être portés à
la connaissance de tous
ceux qui, vraiment, de
manière désintéressée et
pieusement cherchent
l'Unité dans notre
Seigneur béni et Son
Église Une, Sainte,
Catholique et
Apostolique.